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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 09:51

Le premier jour, Loïc Sécher a un peu parlé. Debout, face à la cour, il a raconté ses sept ans et demi de prison

 

- "2 655 jours", dit-il

- sa tentative de suicide, son quotidien de détenu condamné à l'isolement pour ne pas subir le sort réservé aux "pointeurs",les violeurs dans la langue carcérale, et les terres qu'il a dû vendre pour payer ses frais de défense.

 

Il a dit aussi que, maintenant, il n'avait qu'un seul souhait, "retourner dans l'anonymat". Puis il s'est rassis dans le prétoire et il a écouté les autres. Ce n'était plus son procès, c'était le leur.

 

Celui d'une justice qui, à Nantes en 2003, puis en appel à Rennes en 2004, l'a condamné à seize ans de réclusion criminelle pour viols et agression sexuelle sur la foi des déclarations d'une adolescente en miettes.

Jusqu'au jour où son accusatrice, Emilie, a déclaré qu'elle avait menti. Le 13 avril 2010, au vu de ces "faits nouveaux", la chambre criminelle de la Cour de cassation statuant en cour de révision a annulé le verdict qui condamnait Loïc Sécher et l'a renvoyé devant une nouvelle cour d'assises.

 

Vendredi 24 juin, après cinq jours de débats, la cour d'assises de Paris, présidée par Nadine Ajjan, a acquitté Loïc Sécher. Ce fut un procès presque ordinaire. Avec un accusé, des parties civiles, des témoins qui défilent. C'est même peut-être ce qui a été le plus troublant, jusqu'au vertige, cet impeccable déroulé du rituel judiciaire, tout entier dévoué à traquer les mécanismes de l'erreur et à semer le doute, là où d'autres, sans doute avec la même minutie, avaient cru trouver les preuves de la vérité.

 

"Lorsque la justice met un homme en procès, elle se met elle-même en jugement devant l'histoire. De même que le condamné peut faire appel, il peut arriver que la justice bénéficie d'une deuxième chance.

Cette chance, nous l'avons, c'est la révision", a dit l'avocat général François-Louis Coste en ouvrant, jeudi, son réquisitoire en faveur de l'acquittement de Loïc Sécher.

 

Pour cela, il avait fallu reprendre l'histoire à son début. Chercher à comprendre pourquoi et comment un homme qui criait son innocence n'avait jamais été entendu. Pourquoi la parole d'une enfant n'avait, elle, jamais été mise en doute.

Mais plus encore, comment des adultes avaient peu à peu enfermé une adolescente dans son mensonge. C'est sous ce prisme-là que tous ceux qui, hier, avaient cru Emilie, ont été interrogés. Comme ces deux professeurs venus expliquer à la barre, d'une voix étranglée, comment ils s'étaient convaincus au fil des mois qu'Emilie était victime d'abus sexuels. Il était alors beaucoup question de la circulaire "concernant les violences sexuelles" envoyée trois ans plus tôt par la ministre de tutelle, Ségolène Royal, à tous les responsables d'établissement scolaire, les incitant à entendre "la parole de l'enfant qui a trop longtemps été étouffée", et à signaler immédiatement aux autorités judiciaires les confidences des élèves "sur les faits dont ils affirment être victimes".

 

Ils ont raconté cette réunion, organisée un samedi matin dans la salle des professeurs où, pressée de questions, l'adolescente avait fini par dire que "oui" elle avait été violée, que "oui", il s'agissait d'un adulte. "C'était un jeu de questions-réponses, elle parlait très peu. Sans doute, on a été maladroits. Mais nous, on voyait qu'elle allait mal. On a réagi avec empathie avec une enfant qui souffrait", a dit l'un d'eux. Ils avaient aussitôt alerté les parents, qui avaient alerté le médecin, puis les gendarmes. Emilie avait, encore une fois, été pressée de questions. Et à son père, qui lui avait lâché le nom de Loïc Sécher, parce que c'était un voisin, que depuis quelque temps il buvait et qu'il avait un comportement "bizarre", elle avait répondu que "oui", c'était lui.

 

La machine judiciaire s'est enclenchée et rien n'a pu l'arrêter. Plus Emilie souffrait, plus on la croyait. Pendant l'instruction, l'avocat de Loïc Sécher avait demandé en vain une confrontation entre son client et celle qui l'accusait. Trop douloureux pour la plaignante, avait estimé la juge.

 

En décembre 2003, lorsque son procès s'est ouvert à Nantes, on débattait, au Parlement, du texte allongeant le délai de prescription des crimes sexuels à vingt ans et une proposition de loi suggérait d'instaurer une "présomption de la crédibilité de la parole de l'enfant".

Cinq mois plus tard, en mai 2004, pour ne pas aggraver la souffrance d'Emilie, le président de la cour d'assises d'appel de Rennes avait fait sortir Loïc Sécher du box pendant qu'elle déposait. Au même moment, s'ouvrait à Saint-Omer le procès de l'affaire d'Outreau.

 

Mardi 21 juin, Emilie est venue devant la cour, accompagnée d'un médecin. Depuis dix ans, elle enchaîne les séjours en hôpital psychiatrique. La présidente avait exigé sa présence.

 

D'elle, on a aperçu un visage poupin, une silhouette un peu épaisse, toute secouée de tremblements. A huis clos, elle a confirmé qu'elle avait menti. Qu'elle avait préféré accuser à tort et laisser condamner un homme plutôt que de trahir tous les adultes qui avaient mis leur confiance en elle. Assis sur une chaise, juste à côté d'elle, Loïc Sécher a pleuré.

 

Dans sa plaidoirie en défense, Me Eric Dupond-Moretti a rappelé qu'une demande d'enregistrement intégral de ce procès avait été déposée auprès du premier président de la cour d'appel de Paris et que celui-ci l'avait refusée. "Pourtant, a-t-il lancé, une audience comme celle-là, ça vaut 100 heures de cours à l'Ecole nationale de la magistrature !"

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